VOLUPTÉ

Pour celui qui aime les chevaux, il n’y a rien de plus admirable que le poil luisant de sa robe, rien de plus sensuel que le contact de ses muscles vibrants sous ses mains et pourtant, beaucoup de cavaliers ne font jamais le pansage de leur cheval ou, sils le font, ils le bâclent. Or, quoi de plus jouissif que cette brosse qui caresse dans un sens puis dans l’autre, ce va et vient incessant qui nous absorbe et nous entraîne dans une sorte d’état méditatif à la limite de la transe ? Tel un peintre ou un sculpteur, on se reculera pour contempler son oeuvre, on reviendra mettre une touche de ci de là, et on lissera encore et encore jusqu’à l’extrême brilliance. Mais bien plus qu’une simple sculpture, le cheval est une matière vivante et sa peau qui respire sous nos mains perçoit toutes nos émotions tel un capteur d’ondes. Si nous sommes pressés ou nerveux, il y aura résistance. Alors sachons prendre du temps pour ce corps nu, livré à nous mêmes, et laissons nous aller dans cette communion voluptueuse et silencieuse entre lui et nos mains, la rondeur de ses formes, la soie délicate de ses naseaux. Petit à petit, l’animal s’offrira, sans crainte. Quoi de plus émouvant que de sentir ce grand corps puissant s’abandonner entre nos bras? Plus besoin de le tenir en longe ou de l’attacher, le cheval restera à nos côtés et deviendra un prolongement de nous mêmes. Attentif mais relâché, il donnera son pied sans effort, baissera la tête pour se laisser peigner, déplacera sa croupe, incurvera son cou et nos corps s’épouseront sans effort. Alors, quand une dernière fois, on se reculera pour contempler son oeuvre, ce sera un peu comme si on se regardait soi même dans un miroir et que l’on s’y trouvait beau.