Le sourire de l’Ange

Tous les passionnés de chevaux qui les montent et les soignent disent qu’il leur serait impossible de vivre loin d’eux. Mais quelle explication donner à ce besoin vital de contact avec les chevaux…? Serait-ce l’exercice physique ou la proximité de la nature qui nous manquerait ? Ou bien encore le fait que le cheval dépende de nous et nous impose une rigueur quotidienne ? C’est bien plus que cela mais nous ne trouvons pas de mots pour l’expliquer. J’étais sur un paddock de concours hippique la semaine dernière et j’ai eu la réponse à ce mystère. Un cavalier est sorti de piste rayonnant, s’exclamant à quel point il avait eu des sensations extraordinaires sur son parcours, à quel point son cheval était talentueux. Il avait fait une faute mais peu importait car ce cheval était encore jeune et promettait un grand avenir. Il est reparti vers les écuries avec des étoiles dans les yeux. En le regardant s’éloigner et parceque je sais ce que l’on peut éprouver dans ces moments là, j’ai mesuré ce sentiment de plénitude, d’espérance et de puissance qui l’habitait et qui allait l’accompagner pendant des jours et des jours, à chaque fois qu’il serait avec son cheval, dans son box ou à l’entrainement.

J’ai appris un peu plus tard que ce cavalier vivait un drame personnel. Son fils venait de se noyer quelques jours auparavant en faisant du surf. Personne n’aurait pu imaginer la détresse de cet homme en le voyant sortir de piste.Le cheval ne représente pas seulement une occupation comme les autres sports, ou une possibilité de s’abstraire du présent et de la réalité comme le bridge ou le poker, par exemple. Il nous nourrit. Il nous remplit de sensations qui perdurent. Il nous donne un chemin d’avenir, il nous crée une identité, une image. Il nous offre le plus beau des sentiments : l’impression d’exister pleinement. Et toutes ces sensations prennent l’avantage sur tout le reste mieux encore que n’importe quel antidépresseur.

 

Article paru dans Cheval Pratique en août 2014