De tout temps, on a entendu un cavalier dire avec enthousiasme : « J’ai enfin trouvé le cheval qui me convient », « J’ai acheté le cheval de ma vie ». Mais aujourd’hui, le monde équestre s’est tellement développé qu’il est atteint de boulimie. Et nous entendons souvent ce même cavalier nous annoncer, au bout de très peu de temps, que le cheval ne lui va finalement pas du tout, qu’il lui fait des refus, ou qu’il n’est pas assez » respectueux « , ou bien que » sur telle hauteur ça va mais sur plus gros ça ne va plus. » Etc…Et le cheval est à vendre ; le cavalier en cherche un autre. De quoi parlons nous exactement ? D’une voiture ? D’un vélo ? D’un simple produit de consommation ?
Nous sommes censés parler d’un être vivant, sensible, intuitif, avec qui il est question de former un couple, uni, harmonieux, comme deux danseurs, deux musiciens, qui doivent établir des codes entre eux. Et pourtant, sous prétexte d’en avoir pour son argent, on s’en débarrasse à la première déception. Est il possible qu’un couple de patineurs qui se connaissent peu gagne d’entrée de jeu le Championnat du monde de patinage artistique ? Non. Pourquoi en serait il autrement avec notre cheval ? Croyons nous qu’il suffise que le cheval soit très bon et que nous montions bien pour être instantanément performants ?
Ou que parcequ’il a beaucoup d’expérience et que nous le déclassons, il va nous pardonner toutes nos erreurs ? Qu’en est il de sa sensibilité à lui, de ses émotions à lui, de son vécu à lui, avant nous ? Pourquoi nous donnerait il tout sans nous connaitre ?
Quel bonheur d’entendre le numéro un mondial de saut d’obstacles, Scott Brash, dire en toute humilité : « Je monte Ursula depuis plusieurs années. C’était une jument très compliquée au début et même si je sentais qu’elle avait toutes les capacités, j’ai mis longtemps à trouver les boutons. Il nous a fallu des mois pour être en harmonie. Je ne la montais pas dans les grosses épreuves. Elle était mon deuxième cheval. Mais maintenant la confiance mutuelle est totale et elle a été performante des le premier grand prix qu’elle a couru. Aujourd’hui elle est un des meilleurs chevaux du monde ».Merci à ce Champion qui, bien que très jeune, nous montre que même si le monde change, les grands principes de vie restent d’actualité : Un couple se construit. Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.
Article paru dans Cheval Pratique en mai 2014