On dit que l’équitation est une école de vie. Le monde du cheval, la competition surtout, nous confronte à tous les grands problèmes humains : le sens de la responsabilité, le courage, l’orgeuil, la peur, la jalousie, le pouvoir, le respect, l’humilité, etc… Nous sommes sans cesse mis en situation et, de travaux pratiques en travaux pratiques, nous apprenons à gérer ces facettes de notre humanité. En cela le cheval est un miroir de nous memes qui nous renvoie inlassablement à nos propres faiblesses. Et nous faisons face, nous tombons, nous nous relevons, nous gagnons, nous perdons, nous recommençons.
Je vous propose d’aller plus loin encore, et de revenir à un principe fondamental : la respiration.
Sans elle, point de vie. Et nombreux sont ceux qui ne savent pas respirer. La plupart d’entre nous respire avec la poitrine seulement et pas avec le ventre…Et même si certains ont appris à respirer correctement grâce au Yoga ou à la gymnastique, voire à la course à pied, combien s’appliquent à répéter cette respiration juste, chaque jour ..? Quant aux cavaliers, ils ne se posent bien souvent même pas la question de savoir si ils respirent. Ils bloquent leur respiration à la moindre difficulté, se concentrent sur un parcours au point de rester en apnée. J’ai vu beaucoup d’élèves sortir de piste courbés en deux, hors d’haleine et trempés de sueur…
L’exercice est venu à moi, un jour, par hasard. Je devais travailler un cheval difficile, inquiet et nerveux. En allant vers la carriere, au pas, rênes longues, je me sentais oppressée et je me suis mise machinalement à faire un travail de respiration que j’avais appris au Yoga et que j’utilisais souvent pour me détendre avant de rentrer sur une piste de concours. Mon cheval marchait d’un pas énergique en frappant l’asphalte de ses sabots et cela gênait la cadence de ma respiration. Alors, j’ai écouté la cadence de son pas à lui : un/deux/trois/quatre / , et je me suis calée dessus en inspirant sur quatre temps et en expirant sur quatre temps. Pour ne pas perdre le rythme, je devais entendre ce que je faisais et respirer bruyemment. Il m’a semblé que le pas du cheval devenait très regulier et j’ai continué même si c’était difficile de tenir quatre temps en inspirant et quatre temps en expirant.
Ce fut beaucoup plus facile au trot. Un/deux, un/deux/. Deux temps en inspirant, deux temps en expirant.
Au début, je regardais les épaules du cheval qui me donnait son rythme, comme un métronome.
Pendant quelques mètres, en entendant ma respiration forcée, exagérée, le cheval s’est un peu demandé ce qui se passait. Il se crispa sous moi et je voyais ses oreilles s’agiter. Mais quel ne fut pas mon étonnement de constater qu’au bout d’un tour de carrière, ce cheval si instable en général, joueur et sur l’oeil, se cadençait sans que je n’aie à faire aucune action de main. On aurait dit qu’il se calait sur le bruit de ma respiration.
Le galop fut une revelation. Encore une fois, je me suis appliquée à écouter d’abord la cadence de son galop : un/deux/trois, un /deux/trois… (chaque cheval ayant sa propre cadence de galop plus ou moins rapide) et j’ai calé ma respiration dessus en respirant fort pour bien qu’il m’entende (trois temps sur l’inspiration, trois temps sur l’expiration).
A nouveau, durant quelques secondes, j’ai ressenti chez lui une petite inquiétude et, si j’arrêtais de respirer pendant trois ou quatre foulées, il s’énervait.
Soudain, le miracle s’est produit : au lieu d’accélérer tout seul, de se “chauffer”, comme il en avait l’habitude, il s’est stabilisé sous moi sans peser à la main comme s’il voulait rester avec moi, dans le cadre de cette respiration. Et tout à coup, comme par magie, je l’ai entendu, lui aussi, souffler dans ses naseaux, à l’inspiration et à l’expiration, en cadence !
Et j’ai eu, à cet instant là, le sentiment grisant d’être un Centaure !